
Le droit de préemption : un outil d'acquisition prioritaire pour les collectivités
Vous avez un projet de vente immobilière ? Avant de finaliser la transaction, vérifiez si votre bien n'est pas soumis à un droit de préemption. Ce dispositif légal permet à certaines personnes publiques, sous conditions, de se porter acquéreur de votre bien par priorité, parfois même contre votre gré.
Mais quels sont les biens concernés par ce droit ? Qui peut l'exercer et dans quel but ? Quelles sont les étapes de la procédure et vos garanties en tant que propriétaire ? Quelles conséquences pour votre projet de vente ? Guy Hoquet vous dit tout sur le droit de préemption immobilier.
Définition : qu'est-ce que le droit de préemption ?
Le droit de préemption est la faculté donnée à certaines personnes publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics) d'acquérir un bien immobilier par priorité lorsque son propriétaire manifeste sa volonté de le vendre.
Lorsqu'il est mis en œuvre, le titulaire de ce droit (appelé "préempteur") se substitue à l'acquéreur initial dans la vente. Il achète alors le bien aux conditions prévues entre le vendeur et l'acheteur évincé, sauf à proposer lui-même un autre prix.
Ce droit s'applique dans des périmètres prédéfinis et motivés par l'intérêt général, notamment :
- Les zones urbaines ou d'aménagement différé (ZAD)
- Les espaces naturels sensibles
- Les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels
- Les emplacements réservés aux équipements publics
- Les secteurs de restauration immobilière
Son objectif est de permettre aux collectivités de mener des opérations d'aménagement urbain, de constitution de réserves foncières, de lutte contre l'insalubrité, de préservation des espaces naturels ou de maintien d'activités économiques.
Exemple : la commune de Villeneuve souhaite réaliser un projet d'école et de logements sociaux sur un ensemble de parcelles privées situées dans le centre-ville. Elle instaure un droit de préemption urbain sur ce secteur. Lorsque M. Dupont, propriétaire de l'une des parcelles, déclare son intention de vendre, la commune peut préempter son terrain pour le destiner à son projet d'intérêt général.
La procédure de préemption : étapes et obligations
La procédure de préemption se déroule en plusieurs étapes :
- Délibération du titulaire du droit de préemption (conseil municipal, départemental ou régional, selon les cas) définissant les motivations, le périmètre concerné et les bénéficiaires potentiels.
- Publicité de la décision par affichage en mairie et insertion dans deux journaux locaux.
- Déclaration d'intention d'aliéner (DIA) du propriétaire indiquant qu'il souhaite vendre son bien, à adresser par recommandé au préempteur. Elle précise le prix et les conditions de la vente projetée.
- Instruction de la DIA par le préempteur qui a 2 mois pour se prononcer. Son silence vaut renonciation à préempter.
- Notification de la décision du préempteur : renonciation, acceptation aux conditions proposées ou contre-proposition de prix motivée par l'évaluation des Domaines.
- Réponse du propriétaire à une contre-proposition : acceptation ou maintien de son prix. À défaut d'accord, le juge de l'expropriation fixe le prix de vente.
- Signature de l'acte authentique de vente entre le préempteur et le vendeur.
- Rétrocession éventuelle à un tiers par le préempteur s'il ne réalise pas lui-même le projet d'intérêt général dans un délai de 5 ans (sauf pour les réserves foncières).
Le vendeur peut contester la légalité ou les conditions de la préemption dans un délai de 2 mois devant le tribunal administratif. Il peut aussi se rétracter jusqu'à la signature de la vente.
Si le préempteur renonce ou ne répond pas dans les délais, le vendeur retrouve sa liberté de céder son bien à l'acquéreur initial pendant un délai de 3 ans.
Les garanties et recours du propriétaire préempté
Face au droit de préemption, le propriétaire dispose de plusieurs garanties :
- La limitation dans le temps du droit de préemption : la DIA ne peut être instruite au-delà de 2 mois, délai au-delà duquel le silence vaut renonciation.
- L'encadrement de la décote de prix en cas de contre-proposition : elle doit être motivée et se fonder sur l'évaluation objective des Domaines.
- Le droit de délaissement : si le préempteur renonce finalement à acheter, le propriétaire peut lui demander d'acquérir quand même le bien dans un délai d'un mois.
- La rétrocession du bien : si le préempteur n'affecte pas le bien à un projet d'intérêt général dans les 5 ans, l'ancien propriétaire peut en demander la rétrocession prioritaire.
Le propriétaire peut contester la préemption en exerçant les recours suivants dans un délai de 2 mois :
- Recours gracieux auprès du préempteur pour qu'il retire sa décision.
- Recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif pour faire annuler la décision sur des motifs de légalité externe (procédure) ou interne (motifs).
- Recours de plein contentieux devant le juge administratif pour contester les conditions financières de la préemption et obtenir une indemnisation en cas de préjudice.
Le vendeur doit être vigilant au respect par le préempteur des procédures et des délais, et ne pas hésiter à contester toute préemption abusive.
Guy Hoquet répond à vos questions sur le droit de préemption immobilier
Comment savoir si mon bien est soumis à un droit de préemption ?
Puis-je refuser de vendre à la collectivité qui préempte ?
La préemption peut-elle se faire à un prix inférieur à celui que j'avais prévu ?
Puis-je négocier les conditions de la vente avec le préempteur ?
Le préempteur peut-il préempter pour un autre motif que celui qu'il a affiché ?
L'essentiel à retenir sur le droit de préemption immobilier
- Le droit de préemption autorise certaines personnes publiques à acquérir un bien immobilier par priorité sur tout autre acheteur, dans des zones prédéfinies et pour des motifs d'intérêt général.
- La procédure de préemption se déclenche par une déclaration d'intention d'aliéner (DIA) du propriétaire vendeur. Le préempteur a alors 2 mois pour accepter la vente aux conditions proposées, y renoncer ou faire une contre-proposition de prix.
- Le vendeur peut contester la légalité ou le prix de la préemption, demander la rétrocession du bien ou une indemnisation en cas de renonciation abusive. Des recours gracieux et contentieux sont ouverts dans un délai de 2 mois.
- En cas de renonciation ou de silence du préempteur, le vendeur retrouve sa liberté de vendre pendant 3 ans. S'il accepte la préemption, la vente se fait par acte notarié après purge du droit de rétrocession.
- Pour échapper à la préemption, certains montages juridiques existent comme l'échange, l'apport en société, la donation ou la vente à un proche. Mais ils supposent de ne pas avoir déjà signé une promesse de vente.
Le droit de préemption est une atteinte au droit de propriété justifiée par l'intérêt général. Il reste strictement encadré par la loi. Le propriétaire n'est pas totalement démuni face à une préemption qu'il estime injustifiée. Le mieux est encore de bien s'informer en amont pour définir sa stratégie !
Allez plus loin sur ce sujet
Explorez ces thèmes supplémentaires :